
Vous le ressentez peut-être : vous avez des choses importantes à faire — écrire ce mail, finaliser ce projet, clarifier vos priorités — mais vous vous retrouvez à ranger votre cuisine, scroller distraitement ou répondre à des urgences sans importance.
C’est une forme d’ajournement insidieuse. Une fuite intérieure plus qu’un manque de volonté.
Pour certains, cela prend la forme d’une inertie quotidienne masquée par le trop-plein : vous faites beaucoup… mais pas ce qui compte vraiment.
Pour d’autres, c’est une paralysie douce : vous êtes en quête de sens, mais chaque action semble vous éloigner de l’alignement que vous recherchez.
Vous vous sentez épuisé·e mentalement, débordé·e émotionnellement, et pourtant vous restez bloqué·e dans des boucles d’évitement et d’auto-sabotage.
Dans cet article, nous allons explorer la véritable définition de la procrastination selon la psychologie comportementale, ses racines émotionnelles, et surtout, des clés concrètes pour en sortir sans vous brutaliser ni vous épuiser
Points à retenir (pour les lecteurs pressés)
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Procrastiner, c’est fuir l’inconfort, pas l’inaction.
Ce n’est pas un manque de volonté, mais une stratégie pour éviter des émotions désagréables liées à certaines tâches. -
Le cerveau préfère le familier à l’incertain.
Face à une tâche perçue comme difficile ou stressante, nous nous tournons vers des activités plus simples et rassurantes. -
Des actions anodines deviennent des refuges.
Faire du thé, ranger son bureau ou consulter ses mails deviennent des moyens d’évitement déguisés en productivité. -
La procrastination est une réponse émotionnelle.
Elle est souvent déclenchée par la peur de l’échec, le doute ou le manque de clarté sur la tâche à accomplir. -
Reconnaître ce mécanisme est le premier pas vers le changement.
En identifiant les émotions sous-jacentes, on peut adopter des stratégies pour les gérer et passer à l’action.
Quand vous dites « je procrastine », que faites-vous exactement ?
👉 Vous n’êtes pas inactif·ve. Vous êtes actif·ve… ailleurs. Vous réalisez une autre tâche — souvent plus simple, plus familière, moins émotionnellement coûteuse.
Procrastiner, ce n’est pas l’absence d’action. C’est une stratégie (souvent inconsciente) pour éviter une émotion désagréable.
Exemples fréquents :
- Vous triez vos mails plutôt que d’écrire ce rapport délicat.
- Vous naviguez sur Instagram au lieu de prendre cette décision importante.
- Vous réorganisez votre to-do list sans exécuter les actions essentielles.
Procrastiner, c’est quand même faire du thé semble plus urgent que décider
Vous êtes assis·e à votre bureau. Aujourd’hui, c’est décidé, vous écrivez cet article de blog qui traîne dans votre tête depuis des semaines. Vous ouvrez le document. Une page blanche vous attend.
Et là… un besoin urgent et impérieux vous prend : faire du thé. Incontournable, évidemment.
Le thé infuse. Vous jetez un œil rapide à votre téléphone — “juste deux minutes”.
Instagram. LinkedIn. Vos mails. On ne sait jamais, il pourrait se passer quelque chose d’important… (Même si, honnêtement, vous savez que non.)
Le thé refroidit, mais c’est votre attention qui s’est évaporée.
Il est 10h12. Vous avez l’impression d’avoir fait quelque chose… mais vous n’avez rien écrit.
Ce n’est pas que vous ne voulez pas écrire.
C’est juste que votre cerveau a préféré l’instantané, le familier, le rassurant, à l’inconfort diffus de commencer.
Une mécanique qui dépasse le contenu de la tâche
Et bien sûr, ce n’est pas qu’une question d’écriture ou de créativité.
Vous pouvez remplacer “écrire un article de blog” par :
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“prendre rendez-vous chez le dentiste” (ça fait 6 mois que vous repoussez),
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“contacter le SAV pour un remboursement” (ce colis est là, abîmé, vous le voyez chaque jour),
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“trier vos papiers”, “renvoyer un document important”, “ouvrir ce courrier qui vous fait peur”…
Le scénario est le même : une intention claire, une tâche simple… et pourtant, vous sentez un léger flou, une tension, un agacement diffus.
Alors vous détournez l’énergie. Vers une action légitime (faire du thé), inoffensive (regarder vos mails), ou socialement acceptée (ranger votre bureau).
Mais au fond, vous évitez une micro-friction intérieure. Un inconfort. Un doute.
Et ce que vous évitez… finit par prendre toute la place.
Ce n’est pas de la paresse. C’est une forme de fuite douce. Une stratégie émotionnelle de court terme.
C’est ce que l’on appelle la procrastination émotionnelle.
Le vrai sens de la procrastination, selon la psychologie
Dans L’art de la volonté , je cite les travaux de Baumeister et Tierney. Leurs recherches ont montré que la procrastination est une forme d’évitement émotionnel, et non un simple problème de gestion du temps.
- J’anticipe une tâche comme étant potentiellement désagréable, incertaine ou difficile à réussir.
- Mon cerveau cherche alors à me protéger, et m’oriente vers une activité plus gratifiante à court terme, et ceci inconsciemment.
- J’ évite … mais à quel prix ?
Ce mécanisme grignote vos ressources mentales — un phénomène connu sous le nom de fatigue décisionnelle (ego depletion).
Pour aller plus loin sur les stratégies efficaces pour surmonter la procrastination, découvrez notre guide complet.
Ce que vous évitez aujourd’hui devient votre surcharge de demain
À force de repousser ce qui compte, vous accumulez :
- Culpabilité
- Pression mentale
- Fatigue floue mais réelle
Selon notre personnalité, noua allons entrer dans une boucle tumultueuse:
Responsabilités → Tension → Évitement → Pression → Fatigue → Évitement
Alors que d’autres vont connaître une boucle plus silencieuse :
Doute → Inertie → Recherche intérieure → Surcharge cognitive → Blocage
Pourquoi procrastinez-vous vraiment ? (Et comment reprendre la main)
Qu’est ce qui nous pousse à procrastiner ?
1. Ce n’est pas un manque de motivation, mais un manque de clarté
La tâche que vous évitez est souvent trop floue, trop ambitieuse, ou trop chargée émotionnellement.
💡 Solution : Découpez-la en mini-micro-tâches. Le cerveau adore la clarté.
Une approche simple pour contrer la procrastination consiste à adopter la méthode des petits pas, qui facilite le passage à l’action.
Se fixer des objectifs clairs et bien définis aide également à réduire sa tendance à procrastiner
“Changer de vie” devient “Lister ce que je ne veux plus” → “Identifier 1 chose qui me ressource”.
2. Vous attendez “le bon moment”… mais il n’existe pas
Dans l’art de la volonté, je montre que plus on prend de décisions, plus notre volonté s’épuise. Attendre le bon moment, c’est nourrir l’illusion mentale.
💡 Solution : Commencez avant d’être prêt·e. Trois minutes suffisent parfois à briser l’inertie. Il est courant de penser que la motivation précède l’action, mais cette idée est souvent erronée. Voir notre article sur les mythes de la motivation, ainsi que sur le manque de volonté
3. Vous êtes votre propre gestionnaire… débordé·e
La procrastination est fortement liée à l’impulsivité et à un manque de conscience de soi, plutôt plus qu’à l’anxiété ou au perfectionnisme. Le “soi” est un gestionnaire mental. Quand il est saturé, il bloque.
💡 Solution : Réduisez les décisions. Instaurez des rituels simples. Protégez votre attention.
4. Pas de contrainte… et la procrastination s’infiltre
Imaginez votre motivation, votre créativité comme de l’eau.
Claire, vivante, pleine de potentiel.
Mais sans récipient… elle s’étale. Elle se perd. Elle s’infiltre partout… sauf là où vous vouliez qu’elle aille.
C’est ce qui se passe quand vous avez trop de liberté sans cadre.
Vous avez du temps, des idées, de la motivation même… mais rien ne prend forme. Rien ne tient.
Vous commencez trois choses en même temps, ou vous restez à flotter entre deux pensées, sans vraiment décider.
C’est le piège discret de l’absence de contrainte et de la créativité sans structure :
L’eau a besoin d’un contenant pour devenir puissante.
Sinon, elle stagne ou s’évapore.
💡 Solution : offrez un récipient à votre énergie créative.
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Fixez une durée (par exemple 25 minutes).
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Donnez-lui un objectif clair (une tâche, une seule).
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Prévoyez une fermeture (pause, récompense, clôture symbolique).
Vous verrez : plus vous encadrez votre liberté avec douceur, plus elle devient féconde.
C’est un piège courant chez les créatif·ves ou les indépendants. La créativité a besoin d’un cadre l’image de l’eau qui doit avoir un contenant
💡 Solution : Fixez une durée (ex : 25 min), une tâche, une fermeture claire.
5. Quand la peur pour votre image vous pousse à procrastiner et paradoxalement à en faire toujours plus !
Et si ce n’était pas la paresse, ni le manque de motivation , mais le perfectionnisme qui vous paralysait ?
Paradoxalement la procrastination peut nous pousser à en faire toujours plus (un comble !)
🩰 L’histoire de Claire (ou comment le perfectionnisme retarde l’essentiel)
Claire prend des cours de tango argentin depuis plusieurs mois.
Elle connaît les pas. Elle enchaîne les figures. Elle lit des articles sur la posture, regarde des vidéos d’experts. Elle pourrait presque enseigner la théorie du tango.
Mais chaque fois qu’on lui propose d’aller dans un bal pour pratiquer… elle décline.
« Je ne suis pas prête. »
« Je vais me tromper. »
« J’aurais l’air ridicule au milieu des danseurs expérimentés. »
Alors Claire continue de s’entraîner, en cours collectif et particulier, repoussant sans cesse le moment d’entrer vraiment dans la danse.
Mais au fond… Que veut-elle? Apprendre à danser ? Ou danser, tout simplement ?
Ce n’est pas la paresse qui la retient, ni le manque de motivation. C’est la peur d’être imparfaite, de se sentir ridicule. D’être vue, jugée, pas assez “prête”.
💡 Morale : autorisez-vous à faire les choses mal. Dansez un peu de travers. Écrivez des phrases bancales. Appelez, même sans être totalement “au clair”.
L’essentiel, c’est d’oser entrer sur la piste, pas d’attendre la perfection pour vivre.
Pour aller plus loin : prenez un moment pour mieux vous comprendre grâce à notre quiz PDF
Quel est votre profil de procrastination ?
Fatigue, surcharge mentale, dispersion, besoin de contrôle ? Ce quiz vous aide à comprendre votre schéma dominant et vous propose un plan d’action concret.
Découvrez les vraies raisons qui vous poussent à procrastiner
FAQ : que veut dire vraiment procrastiner ?
❓ Le manque de volonté est-il une faiblesse personnelle ?
Non. Ce que l’on perçoit comme un manque de volonté est souvent le résultat de facteurs externes et d’une mauvaise compréhension de cette notion.
❓ Peut-on renforcer sa volonté ?
Oui. La volonté est une compétence modulable que l’on peut développer grâce à des exercices pratiques et une meilleure compréhension de soi.
❓ Comment l'environnement influence-t-il notre volonté ?
Un environnement rempli de distractions et de tentations affaiblit notre capacité à rester concentré et déterminé.
❓ Les découvertes scientifiques ont-elles changé notre vision de la volonté ?
Oui. Les avancées en psychologie et en neurosciences ont redéfini la volonté comme un mécanisme complexe, influencé par de nombreux facteurs.
❓ Où puis-je en apprendre davantage sur le développement de la volonté ?
Le livre L’Art de la Volonté approfondit ces idées et propose des outils concrets pour agir sans s’épuiser.
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