Vous vous êtes déjà senti tiraillé entre deux valeurs ? Par exemple, entre la loyauté envers un ami et l’honnêteté ? Le Quadrant des Valeurs peut vous aider à atteindre vos objectifs. Ce modèle, issu de la psychologie positive et de la communication interpersonnelle, vous invite à explorer vos valeurs les plus profondes. En comprenant les tensions entre la confiance et la méfiance, la gratitude et l’insatisfaction, vous pourrez développer une compréhension plus fine de vous-même.
L’idée du Quadrant des Valeurs et du Développement trouve ses racines dans la pensée d’Aristote, bien que sa forme moderne, telle qu’elle est utilisée aujourd’hui, ait été développée par Paul Helwig en 1967. Ce modèle, que Friedemann Schulz von Thun a ensuite appliqué à la communication interpersonnelle et au développement personnel, vise à illustrer comment chaque valeur, vertu ou principe, ne peut avoir un effet constructif que si elle est équilibrée par une tension avec un contrepoids positif, appelé « valeur sœur ».
En effet, sans cet équilibre, une valeur peut facilement dégénérer en son excès ou en sa forme dévalorisée. Prenons l’exemple de la parcimonie : sans la générosité pour la contrebalancer, elle peut se transformer en avarice. De la même manière, sans parcimonie, la générosité peut devenir de la dilapidation.
Le Quadrant des Valeurs permet ainsi de visualiser quatre concepts interconnectés : la valeur principale, sa valeur sœur, et leurs deux excès respectifs. Ce schéma aide à comprendre non seulement les forces positives en jeu, mais aussi les dangers des excès. C’est un outil dynamique qui invite à trouver l’équilibre entre les tensions positives plutôt que de basculer d’un extrême à l’autre.
Dans cet article, nous allons :
- voir comment créer un quadrant adapté à notre propre situation ou difficulté que nous vivons
- explorer plusieurs exemples concrets de ce modèle, en commençant par des concepts simples tels que la confiance,
- plonger dans des cas plus nuancés comme celui de la gratitude, où la tension entre valeur et valeur-soeur peut surprendre et déstabiliser.
Le quadrant des valeurs : équilibre nos valeurs, contre-balancer nos contre valeurs
Le principe du quadrant des valeurs
Le principe est le suivant : chaque valeur (chaque vertu, chaque principe directeur, chaque trait de personnalité) ne peut avoir un effet constructif que si elle est en tension équilibrée avec une contre-valeur positive, une « valeur sœur ». Au lieu de parler de tension équilibrée, on pourrait aussi parler de balance. Sans cette balance, une valeur dégénère en sa forme dévalorisée ou, pour reprendre les termes de Helwig, en son excès dévalorisant.
En effet, sans cet équilibre, une valeur peut facilement dégénérer en son excès ou en sa forme dévalorisée. Prenons l’exemple de la parcimonie : sans la générosité pour la contrebalancer, elle peut se transformer en avarice. De la même manière, sans parcimonie, la générosité peut devenir de la dilapidation.
Ce quadrant génère quatre types de relations, caractérisant les interactions entre les termes :
- La ligne supérieure entre les valeurs positives indique une relation de tension positive ou complémentaire, qu’on peut aussi qualifier de contraste dialectique.
- Les diagonales indiquent des oppositions contraires entre une valeur et un excès.
- Les lignes verticales montrent l’excès dévalorisant.
- La connexion inférieure entre les deux excès représente une surcompensation : c’est le chemin que nous empruntons lorsque nous tentons de fuir un excès sans avoir la force de nous élever vers les valeurs positives du haut.
Construire le quadrant des valeurs en 5 étapes
Imaginons que j’ai une valeur positive en tête, par exemple la Confiance. Quelle est alors la structure du quadrant associé à cette valeur ?
Étape 1 : Identifier la valeur centrale (Position 1)
Commencez par choisir une valeur positive (un trait de caractère ou un principe). Par exemple, prenons la Confiance. Inscrivez cette valeur en Position 1 en haut à gauche du quadrant.
La Position 2 nous est souvent difficile à identifier, compte tenu de nos schémas mentaux. Aussi nous allons devoir faire un détour
Étape 2 : Identifier l’excès de la valeur centrale (Position 3)
Ensuite, descendez directement en Position 3 pour déterminer l’excès de la valeur centrale. Cet excès représente ce qui arrive lorsque la valeur est poussée à l’extrême. Comment définir un excès de confiance ? Il ne peut s’agir que d’une naïveté excessive, qui frôle la bêtise. Nous inscrivons donc provisoirement cette notion en position (3) et complétons les lignes de connexion manquantes (voir l’illustration 4).
Étape 3 : Trouver la contre-valeur (Position 4)
La contre-valeur est l’opposé de la valeur centrale. Peut-être simplement la méfiance ? Cependant, un certain degré de méfiance est tout à fait approprié dans de nombreuses situations de la vie. Ce n’est donc pas la bonne réponse
Puisque l’opposé radical est souvent plus facile à identifier, nous pouvons maintenant monter en diagonale à partir de la position (3) et nous demander : quel est l’opposé de cette naïveté excessive et en même temps un contrepoids positif à la confiance ? Celui qui ne tombe pas dans une naïveté excessive fait preuve de prudence, ce qui implique une certaine méfiance, sans toutefois sombrer dans la paranoïa. Nous pouvons maintenant donner un nom à cette méfiance excessive, disons : paranoïa.
Étape 4 : trouver la valeur sœur (Position 2)
Revenez maintenant à la valeur sœur, ou contrepoids positif, en Position 2. Cette valeur est une qualité qui complète la valeur centrale et empêche son excès. Dans le cas de la Confiance, la valeur sœur pourrait être la Prudence, car elle équilibre la confiance en évitant de tomber dans la naïveté.
Étape 5 : compléter et vérifier les relations
Une fois les quatre positions remplies, vérifiez les relations entre elles :
- Positions 1 et 2 : La tension positive entre ces deux valeurs maintient un équilibre.
- Diagonales : Les diagonales montrent les contraires entre une valeur et son excès.
- Positions 3 et 4 : Ces positions représentent les excès, que vous souhaitez éviter pour rester équilibré.
Dans cet exemple, Prudence (valeur sœur) équilibre la Confiance, tandis que l’excès de confiance mène à la Naïveté, et l’excès de méfiance devient Paranoïa.
Le quadrant des valeurs : équilibrer vos valeur et contrebalancer vos défauts
L’exemple de la Confiance que nous venons de voir est relativement simple et ne nous confronte pas à des contradictions majeures. Il est choisi avant tout à des fins pédagogiques, car il permet de comprendre facilement les mécanismes du Quadrant des Valeurs sans trop de remous émotionnels. En effet, la relation entre confiance et prudence, ou même entre naïveté et méfiance, est intuitive pour la plupart d’entre nous.
Passons maintenant à un exemple plus délicat : celui de la Gratitude.
À première vue, la gratitude est souvent perçue comme une qualité purement positive, sans zone d’ombre. Nous pensons souvent à un manque de gratitude comme un problème courant, et non à un excès de cette valeur. Pourtant, comme toute valeur, la gratitude peut être poussée à l’extrême, devenant une soumission ou une acceptation passive des situations, ce qui peut être néfaste.
Imaginez accepter constamment des charges de travail supplémentaires sans reconnaissance adéquate, simplement parce que vous êtes reconnaissant d’avoir un emploi. Cet excès de gratitude peut masquer un besoin légitime de respect et d’équité et devient de fait de la résignation.
Le quadrant des valeurs : exemple de la gratitude
Reprenons les étapes une à une.
- Étape 1 : Identifier la valeur centrale : la Gratitude (position 1)
- Étape 2 : Trouver la valeur sœur : a valeur sœur pourrait être Insatisfaction, car elle motive le désir d’amélioration et d’évolution.
- Étape 3 : Identifier l’excès de la valeur centrale : un excès de Gratitude peut conduire à une Soumission, où l’on accepte tout sans discernement.
- Étape 4 : Identifier l’excès de la valeur sœur : un excès d’Insatisfaction peut mener à une Frustration chronique, une aigreur empêchant d’apprécier les aspects positifs de la vie.
- Etape 5 : vérifier la cohérence : on ne peut être à la fois ressentir de la gratitude et de l’insatisfaction. Quand nous sommes dans l’aigreur, cherchons ce qui est posititif dans notre vie, et soyons-en reconnaissant.
Découvrez-en plus sur ce lien subtil entre l’excès de gratitude et l’insatisfaction.
Réflexion sur les dynamiques

Une fois le quadrant complété, posez-vous des questions pour explorer les tensions et relations entre ces éléments :
- Comment équilibrer la gratitude et l’insatisfaction dans votre vie ?
- Quels sont les moments où vous penchez vers l’excès, que ce soit dans la soumission ou la frustration ?
La valeur-soeur et sa difficile accessibilité
La valeur sœur peut être difficile d’accès, surtout lorsqu’on se trouve dans une situation où l’on a dépassé la valeur centrale, se retrouvant en position (3), c’est-à-dire dans son excès. Cet excès représente une exagération de la valeur centrale, et c’est souvent un obstacle pour accéder à la valeur sœur, qui se trouve en position (2).
Par exemple, dans le cas de la Confiance, l’excès est la naïveté excessive (position 3). Une fois dans cet état de naïveté, il peut être difficile de passer à la valeur sœur de la confiance, qui pourrait être la Prudence. L’accès à cette valeur sœur demande un travail sur soi, car nous avons souvent du mal à sortir de l’excès dans lequel nous sommes installés.
Comment accéder à la valeur sœur ?
Pour faciliter cette transition et atteindre la valeur sœur, il est utile de se poser certaines questions qui invitent à une réflexion plus profonde sur les situations dans lesquelles on se trouve. Voici quelques questions clés à se poser :
- Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes dans l’excès de votre valeur principale ?
- Exemple : Comment vous sentez-vous quand votre confiance devient de la naïveté excessive ?
- Quelles sont les émotions ou les comportements que cet excès génère chez vous ou chez les autres ?
- Exemple : Comment réagissent les autres lorsque vous faites preuve d’une confiance naïve ?
- Comment vous sentiriez-vous si vous introduisiez une dose de la valeur sœur dans cette situation ?
- Exemple : Comment vous sentiriez-vous si vous ajoutiez une certaine prudence dans votre comportement ?
- Qu’est-ce qui vous empêche d’adopter cette valeur sœur ?
- Exemple : Pourquoi est-il difficile pour vous d’être prudent tout en restant confiant ?
- Quels petits ajustements pourriez-vous faire pour introduire progressivement cette valeur sœur ?
- Exemple : Quels comportements pourraient introduire un peu plus de prudence dans vos interactions sans compromettre votre confiance ?
Ces questions permettent d’explorer la tension entre l’excès d’une valeur et la valeur sœur. En les posant régulièrement, vous vous donnez la possibilité d’équilibrer vos comportements et d’accéder plus facilement à cette tension positive.
Pourquoi est-il difficile d’accéder à la valeur sœur ?
Souvent, la difficulté réside dans le confort que nous procure notre comportement excessif. Même si nous reconnaissons que cet excès est nuisible, nous y restons parce qu’il correspond à une réponse automatique ou à une croyance profondément ancrée. Par exemple, une personne dans une situation d’excès de confiance pourrait croire que « tout ira bien » sans avoir besoin de prudence. L’idée même de remettre en question cette croyance peut générer une résistance interne.
Il est donc important de reconnaître cette résistance et de l’aborder avec bienveillance. Accepter que l’accès à la valeur sœur nécessite un effort conscient peut déjà être un premier pas vers l’équilibre.
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Réferences:
- Schulz von Thun, Friedemann: site officiel
- Schulz von Thun, Friedemann: Miteinander reden 2. stile, Werte und Persönlichkeitsent- wicklung. rowohlt-taschenbuchverlag, reinbek 1989
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